Comédie new-yorkaise by David Schickler

Comédie new-yorkaise by David Schickler

Auteur:David Schickler [Schickler, David]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Éditions de l’Olivier
Publié: 2022-05-20T06:24:42+00:00


Le jeudi après-midi, Douglas alla se faire couper les cheveux chez le coiffeur du coin. Juché sur une caisse, Chiapas, qui ne mesurait pas encore un mètre cinquante, passait une tondeuse électrique sur les pattes de Douglas en lui souriant dans le miroir.

– T’as une semaine d’avance, Uno. T’as rendez-vous avec une chica, ce soir ?

Douglas eut un sourire sarcastique.

– C’est cela, oui.

Chiapas sifflotait un air que Douglas ne connaissait pas. Comme c’était encore un apprenti, Douglas se faisait couper les cheveux gratis.

– Je parie que t’as un rendez-vous, Uno. T’emmènes Grace Kelly manger des huîtres.

– Oui, oui.

Chiapas connaissait la cinéphilie de Douglas.

– Aïe !

Il tressaillit et Chiapas écarta la tondeuse. Douglas tourna la tête. À cinq centimètres sous sa raie, elle avait mordu sur ses cheveux jusqu’au cuir chevelu.

– Oups, fit Chiapas avec un petit haussement d’épaule. Pardon, Uno.

Douglas tâta l’entaille du doigt.

– Oh, Chiapas. C’est vraiment pas le jour.

Les yeux du gamin s’allumèrent.

– Tu vois que t’as un rendez-vous.

Douglas rougit.

– Pas du tout.

Chiapas examina le crâne de Douglas. La marque avait la forme d’un point d’interrogation sans point.

– T’inquiète, Uno. C’est cool. Elle va adorer.

– Il n’y a pas de « elle », s’entêta l’autre.

À sept heures, Douglas arrivait au Preemption. Il portait un veston de sport en poils de chameau et un gâteau au chocolat allemand du Café Mozart. Il avait d’abord pensé apporter du vin puis s’était avisé que ce ne serait pas convenable puisque Nicole était son élève.

Dans le hall, un grand portier noir qui avait une cicatrice ovale sur le front vint à sa rencontre. Il y avait aussi, assis sur un gros fauteuil d’angle, un jeune homme vêtu d’un élégant complet noir arborant une expression d’une profonde malveillance.

– Douglas Kerchek ? dit le portier. Par ici.

Il suivit le portier jusqu’à un antique ascenseur Otis à commande manuelle. Du coin de l’œil, il observa le jeune homme assis dont les revers bâillaient légèrement. Il eut bien l’impression d’apercevoir un pistolet sous le veston du jeune homme.

– Dernier étage. L’appartement terrasse.

Le portier l’invita à entrer dans l’ascenseur, actionna un levier et s’écarta.

– Bonne chance, conclut-il en français.

Les portes de l’ascenseur se fermèrent et Douglas se retrouva seul, en mouvement. Il regarda autour de lui. L’ascenseur était vraiment très vieux et ses parois d’acajou dégageaient une vague odeur qu’il n’arrivait pas à définir, comme la bibliothèque d’un moine médiéval peut-être, ou l’intérieur d’un joli cercueil.

Quand il débarqua de l’ascenseur, la porte de l’appartement terrasse des Bonner était déjà ouverte. Nicole était adossée au chambranle.

– Bonsoir, monsieur Kerchek.

Il dut faire un effort pour ne pas écarquiller les yeux. Nicole portait la plus exquise robe du soir de soie noire qu’il eût jamais vue. Elle épousait les lignes et les courbes de son corps avec une si parfaite exactitude qu’on aurait pu croire que l’étoffe venait d’être tissée sur elle tandis qu’elle attendait dans l’encadrement de la porte. La robe était d’un noir aussi intense que sa chevelure et, l’espace d’une seconde fantasmatique, Douglas imagina que des diamants noirs réduits en poudre et l’encre de plusieurs seiches entraient dans la composition de la soie.



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